#adaptation

18/04/2024

Guillaume Wallut

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Pourquoi adapter au cinéma une œuvre littéraire ? Qu’est-ce qui nous pousse à insister pour voir sur un écran les images inspirées d’un texte ? Quels liens mystérieux existent entre une œuvre invisible, purement intellectuelle, et son interprétation visuelle ? Ces interrogations, a priori éculées, hantent les humains depuis qu’ils se sont donné les moyens techniques de passer du texte à l’image. Cent Mille Milliards, qui ne manque pas d’audace, croit volontiers aux passerelles entre l’édition et le cinéma et travaille désormais avec 10 Puissance 14 pour, notamment, déployer sur les écrans les œuvres que ses auteurs lui ont confiées. Nous vous proposons un rapide tour d’horizon de ce sujet autant agaçant que séduisant des adaptations audiovisuelles.



Depuis toujours, quand je lis un livre, immédiatement se déclenche dans mon cerveau une machinerie qui analyse les phrases, les situations, les personnages, les lieux, les pensées, les péripéties, les enjeux, etc., et les met en scène. Je peux lire n’importe quel texte, mes neurones le transforment aussitôt en film. Prenons la première page de L’éducation sentimentale : je vois très bien le Ville-de-Montereau sur la Seine, tôt le matin dans la brume parisienne, le désordre qui règne sur les quais au dernier moment avant que le navire largue les amarres avec Frédéric Moreau à son bord. Je pourrais aussi

  • citer le début de L’insoutenable légèreté de l’être : « L’éternel retour est une idée mystérieuse et, avec elle, Nietzsche a mis bien des philosophes dans l'embarras : penser qu’un jour tout se répétera comme nous l’avons déjà vécu et que même cette répétition se répétera encore indéfiniment ! Que veut dire ce mythe loufoque ? »,
  • évoquer celui de Changer la vie, de Jean Guéhenno : « Un grand empereur, à la veille de quitter la vie, fit le compte de ce qu’il devait à son père, à sa mère, à ses maîtres, à ses amis, aux dieux, et, tout prince qu’il fût, en tête de ce livre de raison qu’il tenait et où il consignait ses pensées de maître du monde, il inscrivit ses plus anciennes dettes, celles dont on finit par n’avoir plus même conscience, qu’on oublie et ne paie jamais, ses dettes d’enfant et d’adolescent. »),
  • voire cette description de la campagne provençale dans Le hussard sur le toit de Jean Giono : « Le jour avait été si beau que le soir tombait avec une lenteur infinie. Les reflets de la lumière vermeille, couchés dans les herbes rudes du plateau, ne se levaient qu’à regret, mettaient longtemps à disparaître. On les voyait préparer lentement le bond ralenti qui devait les emporter dans le ciel. ».

Évidemment, j’évoque ici quelques-unes des lectures qui ont révélé en moi des trésors d’imagination et d’expression écrite, il va de soi que nous gardons chacun nos préférences, nos inclinations en matière de style ou de sujet. 

 

 

Le fait est qu’à chaque fois, l’image parle parfaitement ou, plutôt, les mots peignent avec habileté ce qui se passe (certes, ces œuvres figurent parmi les plus grandes du XXe siècle). J’y discerne aussi bien les concepts – ce fichu éternel retour ou ces dettes d’enfant – que les faits – le vieil empereur qui prend la peine d’écrire ses créances, Angelo et Pauline avançant dans le soir qui s’étire –, ma pensée a recréé celle de l’auteur que je lis, et j’acquiesce ou réfute les arguments avant de passer à la suite dans le but de satisfaire avec plus d’intensité ma curiosité. Lire élargit l’existence, comme si la vie s’ouvrait à d’autres horizons, dépliait un nouveau destin, faisait découvrir des potentialités inimaginables quelques secondes auparavant. Les exemples pleuvent d’œuvres littéraires qui emportent dans des flots d’images passionnantes, envoûtantes, intrigantes, qu’il s’agisse de polar, de romance, de paysage, de tension, de psychologie, de sagesse, d’interrogation existentielle… 


La lecture possède cette magie exceptionnelle de rendre plus vivant encore. D’ailleurs, les études médicales proclament toutes unanimement que lire provoque des effets bénéfiques sur les neurones et sur le stress. Pour un peu, on maigrirait aussi : je connais une femme qui a lu Autant en emporte le vent pendant deux jours d’affilé, oubliant de nourrir ses jeunes enfants… 


Alors, que penser des films Le hussard sur le toit de Jean-Paul Rappeneau ou L’insoutenable légèreté de l’être de Philip Kaufman ? Malgré l’indéniable talent de Jean-Claude Carrière qui a adapté en scénario les deux romans et malgré le charme incontestable de Juliette Binoche qui interprète Pauline de Théus et Tereza, les mots de Giono ou de Kundera se tiennent bien au-dessus des images splendides des deux films. Même Kubrick, grand spécialiste des adaptations cinématographiques, s’est fait tiré les cheveux par leurs auteurs pour son travail sur Lolita ou sur Shining, pourtant deux chefs d’œuvres du cinéma…


Oui, mais voilà, ce n’est pas si simple…


Il y a ce passage dans Autres rivages de Nabokov (Gallimard, 1951) qui m’a marqué à jamais et ne cesse depuis d’irriguer mon cerveau. Nabokov raconte qu’adulte, il s’entretient avec un confrère professeur, et ce dernier lui énonce la supériorité du poète sur l’homme de science parce qu’il est le seul à posséder ce pouvoir prodigieux de convoquer instantanément autant de lieux, de moments, de personnes, de faits, de situations, la science étant réduite à une banale démonstration dans des conditions précises : « Mais c’est que toute poésie est, en un sens, une poésie de situation : essayer d’exprimer sa situation vis-à-vis de l’univers qu’embrasse la conscience est, de toute éternité, un besoin. Les bras de la conscience se tendent et tâtonnent, et plus ils sont longs, mieux cela vaut. Ce sont des tentacules, non des ailes, les membres naturels d’Apollon. Vivian Bloodmark, un ami philosophe que j’eus par la suite, disait souvent que, tandis qu’un homme de science voit tout ce qui arrive en un point donné de l’espace, le poète sent tout ce qui arrive en un point donné du temps. Perdu dans ses pensées, celui-ci tapote son genou de son crayon semblable à une baguette de magicien et, au même instant, une auto (plaque d’immatriculation de New York) passe sur la route, un enfant claque la contre-porte d’une véranda voisine, un vieillard bâille dans un verger embrumé du Turkestan, un grain de sable gris cendre est roulé par le vent jusque sur Vénus, un certain docteur Jacques Hirsch, à Grenoble, chausse ses lunettes pour lire, et des trillions d’autres choses sans importance de ce genre se produisent – toutes ces circonstances formant un organisme instantané et transparent dont le poète (assis sur une chaise de jardin, à Ithaca, N.Y.) est le noyau. » 


J’ai bien vu ce qu’a vu le poète dont parle Vivian Bloodmark, mon cerveau a recréé les lieux, les situations (même si je ne connais pas le Turkestan). Or, j’ai beau penser qu’aucun film ne pourra jamais reproduire cette instantanéité que seul le poète a la capacité de saisir et de transmettre, je sais pourtant que le cinéma offre quelque chose que le livre est incapable d’apporter. La clé est donnée par Nabokov lui-même au début de l’extrait : « essayer d’exprimer [notre] situation vis-à-vis de l’univers qu’embrasse [notre] conscience est, de toute éternité, un besoin. » Oui, nous le savons bien, l’univers n'appartient pas au domaine du concept, l’univers existe avant tout, est cette réalité qui, chaque matin au réveil, éblouit nos yeux. Cette image-là ne s’explique pas avec les mots, elle se vit et nous échappe totalement, absolument, infiniment. Et nous avons besoin de la recréer afin de la saisir, de la voir, de la vivre, d’en ressentir cette palette folle d’émotions que le cinéma nous offre bien plus que ne saurait le faire la littérature. 


« Le cinéma rend les émotions si fortes et si vraies, que quand quelque chose vous arrive réellement, c’est comme si vous regardiez la télé, vous ne ressentez rien. » Qui a osé dire ça ? Andy Warhol, dans Ma philosophie de A à B et vice-versa (Flammarion, 2007), cité par Irène Pennacchioni Léothaud dans son livre génial publié chez un éditeur indépendant et responsable que vous connaissez bien et si chanceux d’avoir pu éditer un texte pareil : Dans les yeux du spectateur. De l’antique mimésis au pandemonium médiatique. Pour Irène, « le cinéma ne fit pas du XXe siècle le siècle de l’image comme on l’a répété mais celui des écrans car le vrai siècle des images fut le XIXe siècle. On aurait dit que toutes les images produites par le premier siècle de la modernité convergeaient comme un torrent vers ce but, cette invention : capter la vie pour la reproduire. » Voilà, nous y sommes : aucun art ne sait mieux que le cinéma reproduire la vie. Peter Kassovitz évoque dans son entretien cet avantage du cinéma sur la littérature à propos de Romain Gary dont il a tenté (en vain) d’adapter L’angoisse du roi Salomon : « Je préfère l’adaptation. Parce que le boulot est déjà fait, souvent. Quelqu’un a déjà travaillé, après il suffit seulement de ne pas le trahir. Ça demande de faire des choix, on ne peut pas tout mettre… Mais les personnages sont déjà là, les situations aussi : il ne reste plus qu’à adapter un projet achevé. » Un texte écrit n’a décidément rien à voir avec son adaptation. Pour un peu, la fameuse trahison du traducteur pourrait s’appliquer au scénariste. Et alors ? Heureusement que le traducteur intervient et joue du mieux qu’il peut son rôle de passeur ! Heureusement que le cinéma est là pour nous faire vivre du mieux qu’il peut son rôle de passeur, aussi.


L’époque change, les habitudes évoluent au rythme des progrès technologiques, la lecture aujourd’hui s’égare de plus en plus profondément dans les forêts des écrans multicolores qui submergent nos horizons quotidiens. Même si je crois que la littérature jamais ne cessera de nous inspirer là où aucun autre art n’est capable d’aller, je sais que le cinéma lui apporte ce qu’elle est incapable de susciter : une émotion totale. Et puis si un livre la plupart du temps s’écrit seul, un film est l’œuvre d’une multitude : au fond, rien ne les rapproche, et tout les unit. Quelle merveille ! Plus que jamais, les œuvres des auteurs de Cent Mille Milliards ont de l’avenir chez 10 Puissance 14.

Pourquoi adapter au cinéma une œuvre littéraire ? Qu’est-ce qui nous pousse à insister pour voir sur un écran les images inspirées d’un texte ? Quels liens mystérieux existent entre une œuvre invisible, purement intellectuelle, et son interprétation visuelle ? Ces interrogations, a priori éculées, hantent les humains depuis qu’ils se sont donné les moyens techniques de passer du texte à l’image. Cent Mille Milliards, qui ne manque pas d’audace, croit volontiers aux passerelles entre l’édition et le cinéma et travaille désormais avec 10 Puissance 14 pour, notamment, déployer sur les écrans les œuvres que ses auteurs lui ont confiées. Nous vous proposons un rapide tour d’horizon de ce sujet autant agaçant que séduisant des adaptations audiovisuelles.



Depuis toujours, quand je lis un livre, immédiatement se déclenche dans mon cerveau une machinerie qui analyse les phrases, les situations, les personnages, les lieux, les pensées, les péripéties, les enjeux, etc., et les met en scène. Je peux lire n’importe quel texte, mes neurones le transforment aussitôt en film. Prenons la première page de L’éducation sentimentale : je vois très bien le Ville-de-Montereau sur la Seine, tôt le matin dans la brume parisienne, le désordre qui règne sur les quais au dernier moment avant que le navire largue les amarres avec Frédéric Moreau à son bord. Je pourrais aussi

  • citer le début de L’insoutenable légèreté de l’être : « L’éternel retour est une idée mystérieuse et, avec elle, Nietzsche a mis bien des philosophes dans l'embarras : penser qu’un jour tout se répétera comme nous l’avons déjà vécu et que même cette répétition se répétera encore indéfiniment ! Que veut dire ce mythe loufoque ? »,
  • évoquer celui de Changer la vie, de Jean Guéhenno : « Un grand empereur, à la veille de quitter la vie, fit le compte de ce qu’il devait à son père, à sa mère, à ses maîtres, à ses amis, aux dieux, et, tout prince qu’il fût, en tête de ce livre de raison qu’il tenait et où il consignait ses pensées de maître du monde, il inscrivit ses plus anciennes dettes, celles dont on finit par n’avoir plus même conscience, qu’on oublie et ne paie jamais, ses dettes d’enfant et d’adolescent. »),
  • voire cette description de la campagne provençale dans Le hussard sur le toit de Jean Giono : « Le jour avait été si beau que le soir tombait avec une lenteur infinie. Les reflets de la lumière vermeille, couchés dans les herbes rudes du plateau, ne se levaient qu’à regret, mettaient longtemps à disparaître. On les voyait préparer lentement le bond ralenti qui devait les emporter dans le ciel. ».

Évidemment, j’évoque ici quelques-unes des lectures qui ont révélé en moi des trésors d’imagination et d’expression écrite, il va de soi que nous gardons chacun nos préférences, nos inclinations en matière de style ou de sujet. 

 

 

Le fait est qu’à chaque fois, l’image parle parfaitement ou, plutôt, les mots peignent avec habileté ce qui se passe (certes, ces œuvres figurent parmi les plus grandes du XXe siècle). J’y discerne aussi bien les concepts – ce fichu éternel retour ou ces dettes d’enfant – que les faits – le vieil empereur qui prend la peine d’écrire ses créances, Angelo et Pauline avançant dans le soir qui s’étire –, ma pensée a recréé celle de l’auteur que je lis, et j’acquiesce ou réfute les arguments avant de passer à la suite dans le but de satisfaire avec plus d’intensité ma curiosité. Lire élargit l’existence, comme si la vie s’ouvrait à d’autres horizons, dépliait un nouveau destin, faisait découvrir des potentialités inimaginables quelques secondes auparavant. Les exemples pleuvent d’œuvres littéraires qui emportent dans des flots d’images passionnantes, envoûtantes, intrigantes, qu’il s’agisse de polar, de romance, de paysage, de tension, de psychologie, de sagesse, d’interrogation existentielle… 


La lecture possède cette magie exceptionnelle de rendre plus vivant encore. D’ailleurs, les études médicales proclament toutes unanimement que lire provoque des effets bénéfiques sur les neurones et sur le stress. Pour un peu, on maigrirait aussi : je connais une femme qui a lu Autant en emporte le vent pendant deux jours d’affilé, oubliant de nourrir ses jeunes enfants… 


Alors, que penser des films Le hussard sur le toit de Jean-Paul Rappeneau ou L’insoutenable légèreté de l’être de Philip Kaufman ? Malgré l’indéniable talent de Jean-Claude Carrière qui a adapté en scénario les deux romans et malgré le charme incontestable de Juliette Binoche qui interprète Pauline de Théus et Tereza, les mots de Giono ou de Kundera se tiennent bien au-dessus des images splendides des deux films. Même Kubrick, grand spécialiste des adaptations cinématographiques, s’est fait tiré les cheveux par leurs auteurs pour son travail sur Lolita ou sur Shining, pourtant deux chefs d’œuvres du cinéma…


Oui, mais voilà, ce n’est pas si simple…


Il y a ce passage dans Autres rivages de Nabokov (Gallimard, 1951) qui m’a marqué à jamais et ne cesse depuis d’irriguer mon cerveau. Nabokov raconte qu’adulte, il s’entretient avec un confrère professeur, et ce dernier lui énonce la supériorité du poète sur l’homme de science parce qu’il est le seul à posséder ce pouvoir prodigieux de convoquer instantanément autant de lieux, de moments, de personnes, de faits, de situations, la science étant réduite à une banale démonstration dans des conditions précises : « Mais c’est que toute poésie est, en un sens, une poésie de situation : essayer d’exprimer sa situation vis-à-vis de l’univers qu’embrasse la conscience est, de toute éternité, un besoin. Les bras de la conscience se tendent et tâtonnent, et plus ils sont longs, mieux cela vaut. Ce sont des tentacules, non des ailes, les membres naturels d’Apollon. Vivian Bloodmark, un ami philosophe que j’eus par la suite, disait souvent que, tandis qu’un homme de science voit tout ce qui arrive en un point donné de l’espace, le poète sent tout ce qui arrive en un point donné du temps. Perdu dans ses pensées, celui-ci tapote son genou de son crayon semblable à une baguette de magicien et, au même instant, une auto (plaque d’immatriculation de New York) passe sur la route, un enfant claque la contre-porte d’une véranda voisine, un vieillard bâille dans un verger embrumé du Turkestan, un grain de sable gris cendre est roulé par le vent jusque sur Vénus, un certain docteur Jacques Hirsch, à Grenoble, chausse ses lunettes pour lire, et des trillions d’autres choses sans importance de ce genre se produisent – toutes ces circonstances formant un organisme instantané et transparent dont le poète (assis sur une chaise de jardin, à Ithaca, N.Y.) est le noyau. » 


J’ai bien vu ce qu’a vu le poète dont parle Vivian Bloodmark, mon cerveau a recréé les lieux, les situations (même si je ne connais pas le Turkestan). Or, j’ai beau penser qu’aucun film ne pourra jamais reproduire cette instantanéité que seul le poète a la capacité de saisir et de transmettre, je sais pourtant que le cinéma offre quelque chose que le livre est incapable d’apporter. La clé est donnée par Nabokov lui-même au début de l’extrait : « essayer d’exprimer [notre] situation vis-à-vis de l’univers qu’embrasse [notre] conscience est, de toute éternité, un besoin. » Oui, nous le savons bien, l’univers n'appartient pas au domaine du concept, l’univers existe avant tout, est cette réalité qui, chaque matin au réveil, éblouit nos yeux. Cette image-là ne s’explique pas avec les mots, elle se vit et nous échappe totalement, absolument, infiniment. Et nous avons besoin de la recréer afin de la saisir, de la voir, de la vivre, d’en ressentir cette palette folle d’émotions que le cinéma nous offre bien plus que ne saurait le faire la littérature. 


« Le cinéma rend les émotions si fortes et si vraies, que quand quelque chose vous arrive réellement, c’est comme si vous regardiez la télé, vous ne ressentez rien. » Qui a osé dire ça ? Andy Warhol, dans Ma philosophie de A à B et vice-versa (Flammarion, 2007), cité par Irène Pennacchioni Léothaud dans son livre génial publié chez un éditeur indépendant et responsable que vous connaissez bien et si chanceux d’avoir pu éditer un texte pareil : Dans les yeux du spectateur. De l’antique mimésis au pandemonium médiatique. Pour Irène, « le cinéma ne fit pas du XXe siècle le siècle de l’image comme on l’a répété mais celui des écrans car le vrai siècle des images fut le XIXe siècle. On aurait dit que toutes les images produites par le premier siècle de la modernité convergeaient comme un torrent vers ce but, cette invention : capter la vie pour la reproduire. » Voilà, nous y sommes : aucun art ne sait mieux que le cinéma reproduire la vie. Peter Kassovitz évoque dans son entretien cet avantage du cinéma sur la littérature à propos de Romain Gary dont il a tenté (en vain) d’adapter L’angoisse du roi Salomon : « Je préfère l’adaptation. Parce que le boulot est déjà fait, souvent. Quelqu’un a déjà travaillé, après il suffit seulement de ne pas le trahir. Ça demande de faire des choix, on ne peut pas tout mettre… Mais les personnages sont déjà là, les situations aussi : il ne reste plus qu’à adapter un projet achevé. » Un texte écrit n’a décidément rien à voir avec son adaptation. Pour un peu, la fameuse trahison du traducteur pourrait s’appliquer au scénariste. Et alors ? Heureusement que le traducteur intervient et joue du mieux qu’il peut son rôle de passeur ! Heureusement que le cinéma est là pour nous faire vivre du mieux qu’il peut son rôle de passeur, aussi.


L’époque change, les habitudes évoluent au rythme des progrès technologiques, la lecture aujourd’hui s’égare de plus en plus profondément dans les forêts des écrans multicolores qui submergent nos horizons quotidiens. Même si je crois que la littérature jamais ne cessera de nous inspirer là où aucun autre art n’est capable d’aller, je sais que le cinéma lui apporte ce qu’elle est incapable de susciter : une émotion totale. Et puis si un livre la plupart du temps s’écrit seul, un film est l’œuvre d’une multitude : au fond, rien ne les rapproche, et tout les unit. Quelle merveille ! Plus que jamais, les œuvres des auteurs de Cent Mille Milliards ont de l’avenir chez 10 Puissance 14.

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